Le
nombre croissant de chômeurs autorise le gouvernement à prendre des mesures
exceptionnelles en dépit de toute notion juridique ne s’adaptant pas à la
situation économique. La libération du CDD
(contrat
de travail à durée déterminée) peut inciter les opérateurs économiques à créer
des emplois et à résorber une bonne partie de chômeurs.
Faire d’un diplômé chômeur, à la fois, un opérateur économique, en l’aidant à
s’installer pour son propre compte, et un employeur créateur d’emploi, en lui
accordant des mesures d’exonération, c’est le défi lancé par le gouvernement il
y a un an, et mise en exécution il y a quelques semaines. Cette action fort
intelligente, appelée MOUKAWALATI, s’ajoute à IDMAJ (contrat
de formation-insertion) et à TAAHIL (formation contractuelle et qualifiante),
pour former un programme général ayant pour objectif d’insérer quelques 105.000
chercheurs de premier emploi.
L’effort exceptionnel déployé par le gouvernement en matière de lutte contre le
chômage est remarquable. Mais, le chômage ne touche pas que les 105.000
diplômés chômeurs, il touche également d’autres catégories de chômeurs dont le
nombre est, au moins, 10 fois plus élevé, si on se réfère à la très optimiste
note du HCP (Haut commissariat au plan). Ces chômeurs non diplômés ne peuvent
trouver d’emplois sans l’implication directe des opérateurs économiques car, le
gouvernement ne peut mener seul la lutte contre le chômage, d’autant plus que
son rôle n’est pas de créer des emplois, mais de créer un environnement
socio-économique incitant à la création d’emplois, en instituant, d’une part,
des mesures d’encouragement tant au niveau de la législation du travail qu’au
niveau de la fiscalité et en enlevant, d’autre part, tous les obstacles qui
entraveraient la création d’emploi.
A la tête de ces obstacles se trouve les conditions restrictives auxquelles le
recours au CDD
est subordonné.
Les relations de travail sont, en général, régies par des dispositions selon
lesquelles le salarié est lié, avec son employeur, par un contrat à durée
indéterminée (CDI), lequel peut prendre fin à tout moment à l’initiative de
l’une ou de l’autre des parties, moyennant un préavis et une indemnité "
dite " de licenciement et ce, en l’absence de faute grave. Lorsque la
rupture revêt un caractère abusif, le salarié aura droit, en plus, à des
dommages-intérêts.
Le mode de calcul du montant de chacun de ces trois postes est fixé par la loi.
Pour un opérateur économique, les frais de ces trois postes entrent en ligne
compte, au même titre que les salaires et autres charges, pour le calcul du
coût de son produit, lequel coût doit demeurer compétitif par rapport à la
concurrence intérieure et extérieure, surtout après la mondialisation du
commerce.
Or, certains opérateurs économiques trouvent que le coût de ces trois postes
est tellement contraignant qu’ils considèrent aujourd’hui que l’embauche sous
CDI est une aventure, et qu’ils souhaiteraient embaucher plutôt dans le cadre
d’un statut relativement flexible, comme celui du CDD, accordé aux nouvelles
entreprises, prévu à l’article 17 du code, mais libéré de la période plafonnée.
Il y a lieu de souligner que les entreprises existantes ne peuvent, en aucune
manière, embaucher sous CDD dans le cadre de leur activité normale car,
contrairement à des idées reçues, le problème du contrat à durée déterminée se
situe, essentiellement, au niveau de l’objet pour lequel il est conclu. Si
l’objet entre dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise, le CDD est
requalifié par les tribunaux comme un CDI, même si le contrat est conclu pour
une courte période.
Une exception à la règle a été, cependant, accordée par l’article 17, au profit
des nouvelles entreprises qui pourront embaucher sous CDD, dans le cadre de
leur activité normale, mais seulement pour une durée d’une année, renouvelable
une seule fois, après quoi le CDD se transforme en CDI si les salariés sont
maintenus au-delà de cette période.
Qu’est-ce qu’un CDD ?
Le principe imposé par l’article 16 de la loi 65/99 formant code du travail est
qu’un CDD ne peut avoir, ni pour objet ni pour effet, de pourvoir durablement
son emploi lié à l’activité normale de l’entreprise, il ne peut être conclu que
pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans les cas énumérés à l’article 16, complété par voie réglementaire.
De ce fait, l’opérateur économique n’a
aucune possibilité légale d’embaucher des travailleurs sous CDD dans le cadre
de son activité normale, même lorsque ces travailleurs, à l’affût de n’importe
quel emploi, acceptent de travailler sous ce régime en attendant de meilleurs
jours ou dans l’espoir d’être titularisés car, le recours au CDD est
strictement réservé, selon l’article 16 du code, dans les cinq hypothèses
suivantes :
• Le remplacement d’un salarié
• L’ accroissement temporaire de l’activité
• Les emplois à caractère saisonnier
• Certains secteurs et certains cas exceptionnels
• La création d’entreprises, d’établissements ou d’activités nouvelles
Voyons d’abord à quoi ressemble le statut d’un CDD. Pendant toute la durée du
contrat, le salarié dispose des mêmes droits et avantages que les autres
salariés de l’entreprise titulaires d’un contrat à durée indéterminée :
1- Il bénéficie notamment des dispositions de l’ensemble de la législation du
travail, de la convention collective et des usages applicables dans
l’entreprise, ainsi que des mêmes conditions de travail que les autres salariés
(congés payés, durée du travail, repos hebdomadaire, jours fériés, hygiène et
sécurité …)
2- Il perçoit un salaire qui ne peut être inférieur au montant de la
rémunération que percevrait, dans la même entreprise et après période d’essai,
un salarié sous contrat à durée indéterminée, de qualification équivalente
occupant les mêmes fonctions.
Par ailleurs, le salarié lié par CDD est soumis, le cas échéant, aux mesures
disciplinaires allant, en cas de faute grave, jusqu’à la résiliation immédiate
du CDD.
En cas de résiliation abusive, déclarée par le tribunal, l’employeur pourrait
être condamné au paiement, au profit de son salarié dont le CDD est abusivement
résilié, d’une indemnité correspondante au salaire de la période restante du
contrat.
Le CDD cesse de plein droit à l’échéance du terme, aucun préavis n’est à respecter ni de la part de l’employeur ni du salarié. Il est de même lorsque le terme du CDD est constitué
par la réalisation d’une tâche déterminée, par la fin de la saison ou par le
retour du titulaire du poste. Cette résiliation entraîne de plein droit l’achèvement
du contrat. Aucune indemnité n’est due au salarié à la fin de son contrat CDD.
Il est expressément exclu du bénéfice de l’indemnité de licenciement accordée
aux salariés liés par contrats à durée indéterminée.
Les dommages-intérêts ne peuvent être accordés à un salarié dont le contrat a
pris fin à son échéance. Enfin, le CDD ayant une date fixe pour son expiration,
le salarié ne peut exiger un préavis. Le commun accord des parties, la force
majeure et le comportement fautif du salarié sont trois situations qui
autorisent la rupture anticipée du CDD. Un CDD peut prendre fin avant l’arrivée
de son terme lorsque le contrat, établi par écrit, le prévoit. En l’absence de
cette clause, rien n’empêche les contractants de mettre fin, à l’amiable, aux relations
de travail, soit sans indemnité, soit en contrepartie d’une indemnité qui,
normalement, doit correspondre au salaire de la période du CDD non travaillée.
Certains événements peuvent affecter la personne du salarié ; décès, accident
entraînant une inaptitude physique.
D’autres événements peuvent affecter la personne de l’employeur ; retrait de
l’autorisation d’exercer, incendie ayant entraîné la destruction totale de
l’entreprise, fermeture de l’établissement … et d’une manière générale, tous
événements empêchant la poursuite de l’exploitation de l’entreprise pour des
motifs ne pouvant être attribués à l’employeur.
Sauf accord entre les parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu
avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure.
En cas de rupture à l’initiative du salarié par démission, l’employeur aura
droit à des dommages-intérêts correspondant au préjudice subi. Malgré
l’optimisme des notes communiquées par le HCP qui se veulent rassurantes, le
chômage est là, son taux est effrayant, le nombre de nos chômeurs ne cesse
d’augmenter, ces chômeurs veulent travailler, ils ne se posent même pas la
question du statut auquel ils seront soumis, pourvu qu’ils aient un travail qui
leur restituera leur dignité.
Dans un monde où la concurrence des produits étrangers fait rage au Maroc, les
opérateurs économiques de leur côté, cherchent une flexibilité, élément
nécessaire pour le bon fonctionnement de l’entreprise, comme le CDD, mais dans
un cadre juridique légal, prévoyant la possibilité aux parties contractantes de
choisir librement entre le régime juridique du CDD ou du CDI. Pour cela, il
faudrait un texte courageux, l’article 17 a déjà fait un geste relativement
courageux dans le même sens, en direction des nouvelles entreprises. Sinon,
a-t-on le droit de laisser moisir ces chômeurs, parce qu’on s’accroche à une
notion juridique, abandonnée depuis longtemps par les grandes démocraties de ce
monde?
Ailleurs, tous les gouvernements mettent de côté les vieilles notions de
protection pour prendre des décisions courageuses qui permettent aux chômeurs
de trouver des emplois, en appliquant le principe C’EST MIEUX QUE RIEN.
Et nous, jusqu’à quand nous demeurons accrochés à une notion de fausse
protection relative aux conditions sévèrement restrictives quant au recours au
CDD ? Est-ce parce que nous considérons que RIEN C’EST ENCORE MIEUX ?
N’oublions pas que 3.2 millions de travailleurs sont employés par le secteur
informel sans aucun statut, et que sur 9 millions de salariés, seuls 1.750.000
bénéficient de la protection sociale, alors pourquoi exige-t-on, pour
l’embauche des chômeurs, le statut le plus contraignant ?
Maître M’hamed El Fekkak
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